Il y a quelques années, le quotidien d’un commercial se résumait souvent à acheter des listes d’entreprises à la CCI, envoyer des e-mails « à la main » (le plus souvent à des adresses génériques), et surtout, à décrocher son téléphone pour affronter le célèbre barrage de Martine de l’accueil… avant d’essuyer, neuf fois sur dix, un bon vieux « Non ».
Quinze ans plus tard, les outils se sont multipliés, les process se sont digitalisés, et la prospection a beaucoup gagné en confort et en efficacité. Tellement, d’ailleurs, que beaucoup de commerciaux en sont venus à penser qu’il n’était plus vraiment nécessaire d’appeler leurs prospects.
Pourtant, à l’heure du « tout IA » et des interactions automatisées, remettre de l’humain au cœur de la relation commerciale n’a jamais été aussi essentiel.
Voici donc dix idées reçues à déconstruire sur le « cold call » — ou, pour les nostalgiques, le bon vieux phoning.
“Le phoning, c’est mort.”
Faux. Et c’est même tout l’inverse ! Aujourd’hui, les commerciaux décrochent beaucoup moins leur téléphone… ce qui rend chaque appel encore plus rare — et donc plus précieux.
La semaine dernière, j’étais chez un client; soixante ans, dirigeant d’une entreprise familiale de 4 000 collaborateurs. Il me racontait à quel point les e-mails automatisés, qu’il trouvait innovants il y a encore quelques années, l’agacent désormais. Il en reçoit des dizaines chaque jour… au point d’en signaler certains comme spam.
Le phoning, lui, a évolué. Il ne s’agit plus de réciter un script ou d’enchaîner les appels à froid. Bien intégré dans une stratégie multicanale — e-mail, LinkedIn, social selling —, c’est un levier redoutablement efficace pour créer un vrai contact humain là où tout le monde se contente d’automatiser.
“On peut faire du phoning partout”
Faux. Et j’en ai fait l’expérience.
Quand j’étais en alternance, mon premier chef — un directeur commercial issu du BTP, plutôt profil ingénieur que “chasseur” — m’embarque un jour pour un déplacement de trois heures en voiture. Nous organisions un petit-déjeuner prospects la semaine suivante… et à ce moment-là, nous n’avions aucun inscrit.
Il me dit alors :
« Écoute, c’est simple. On a trois heures à tuer, on va profiter du trajet pour appeler les gens et les inviter. »
Je vous passe les détails, mais la scène ressemblait plutôt à :
« Allô ?… Allô ?… Vous m’entendez ?… Là c’est mieux ?… Oui, je le rappelle… Allô ? »
Le cold call, ça ne s’improvise pas. Il faut être posé, concentré, et dans le bon état d’esprit. Appeler, c’est un vrai moment de focus.
“On peut appeler à froid.”
Effectivement, on peut. Mais on a un risque important d’échecs. Personnellement, je préconise des appels à des prospects ayant déjà eu un contact avec la marque. Par exemple, après deux E-mails et un message Linked In.
“Il faut réciter un script.”
Oui et non. Il faut en avoir un, c’est certain, mais il sert surtout de base, pas une lecture mot pour mot. L’authenticité et l’écoute active font la différence. En revanche, il est très (très) important de noter toutes les objections, et de les retravailler à froid.
“Je dois m’isoler pour faire du phoning.”
Celle là, je la comprends parfaitement. Se prendre une porte, ça fait mal. Et c’est encore plus difficile quand il y a du monde autour. Dans un open space d’ingénieurs, être le seul à passer des coups de fil qui n’aboutissent pas peut vraiment peser.
Mais j’ai aussi connu des plateaux de commerciaux, tous au téléphone en même temps. Là, la prospection prend une toute autre dimension. On se challenge mutuellement, on voit les autres se prendre les mêmes portes que nous, et une énergie incroyable se dégage.
Mon conseil : si vous en avez la possibilité, prospectez à plusieurs. C’est galvanisant et ça change complètement l’expérience !
“Les gens détestent être appelés.”
Pas toujours. Les gens détestent les appels non pertinents. Mais un appel utile, bienveillant et personnalisé est souvent bien reçu. Personnellement, avant un appel, j’essaie toujours de mettre du contexte et un prétexte.
Exemple de contexte: Une entreprise fait une levée de fonds.
Exemple de prétexte: « Je vous appelle car nous avons accompagné [entreprise ayant réalisé une autre levée de fonds] à atteindre [objectifs]. J’aurais souhaité savoir si je pouvais vous transmettre ce cas d’usage.
“L’IA ou les E-mails vont remplacer le phoning.”
Pas du tout. L’automatisation et l’IA sont d’excellents alliés pour cibler et préparer des appels, mais rien ne remplace la voix humaine quand il s’agit de créer une relation de confiance. Nous avions d’ailleurs rédigé un article sur le sujet récemment.
Vous connaissez ces appels automatisés vous proposant de changer de fournisseur d’électricité ? Avouons-le : on raccroche généralement en moins de cinq secondes.
Le phoning, bien fait, c’est l’opportunité de parler à un vrai humain, d’écouter ses besoins et d’adapter son message en direct. C’est exactement ce que l’IA et les e-mails ne pourront jamais remplacer.
“Les bons vendeurs n’ont pas besoin de phoning.”
Oui… et non.
Un bon vendeur, c’est souvent quelqu’un avec de l’expérience et un réseau solide. Il commencera naturellement par solliciter ses contacts existants.
Mais d’après mon expérience, les meilleurs commerciaux que j’ai rencontrés — souvent des quarantenaires aguerris — réservaient quand même une journée entière au phoning chaque semaine. Pour eux, appeler reste un levier incontournable pour dénicher de nouvelles opportunités et entretenir la relation humaine, même avec un réseau bien établi.
En résumé, le phoning n’est ni mort ni obsolète : il a simplement évolué. Bien intégré dans une stratégie multicanale, il permet de créer un vrai lien humain là où l’automatisation atteint ses limites. Rester authentique et ciblé fait toute la différence pour transformer un simple appel en opportunité concrète.




